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Regards croisés sur les pratiques de gestion des porcelets nouveau-nés dans les élevages porcins

By 21 août 2024octobre 3rd, 2024Mistral
Reading Time: 7 minutes

Une bonne gestion des porcelets nouveaux-nés est crucial au sein d’un élevage porcin puisqu’il influence directement la santé, la croissance et la survie des porcelets et donc la rentabilité de l’atelier. Diverses stratégies peuvent être employées pour optimiser la prise colostrale, gérer les grandes portées et assurer l’allaitement de tous les porcelets en fonction des spécificités de chaque exploitation. Les pratiques diffèrent selon les pays et les systèmes de production, et il est intéressant d’en comprendre les points communs et les divergences. Cet article propose un regard croisé sur les pratiques d’adoptions, de tétées alternées, d’utilisation de truies nourrices, de sociabilisation précoces observées dans les élevages au Vietnam, en Chine, en Colombie, en Espagne et en France.

1. Les premiers soins aux porcelets : des priorités différentes entre pays

Les premiers soins apportés aux porcelets après leur naissance sont fondamentaux pour leur survie, notamment en raison de leur vulnérabilité aux variations de température et de leurs faibles réserves énergétiques qui nécessitent une rapide prise colostrale pour leur apporter de l’énergie. Cependant, les approches varient entre les élevages des différents pays.

Prise colostrale et gestion de la température du porcelet à la naissance

Aujourd’hui, rares dans le monde sont les élevages n’ayant pas de stratégies pour maintenir les porcelets au chaud immédiatement après leur naissance. En Asie, que ce soit au Vietnam ou en Chine, dès leur naissance, les porcelets sont placés dans un nid, souvent situé dans un coin de la case la truie, avec un matériau (moquette ou tapis en caoutchouc) permettant de les isoler du froid du sol et des potentiels courants d’air. Une lampe chauffante et un capot de nid permet de garder la zone chaude (> 30°C) pour garantir la thermoneutralité des porcelets nouveaux nés. Au Vietnam, le nid est même particulièrement clos avec une cloison latérale permettant la séparation complète des porcelets de la truie. Une porte leur permet d’accéder au nid ou d’en sortir quand ils veulent.

Une fois réchauffés, les porcelets sortiront d’eux même du nid, pour aller prendre le colostrum.

En Colombie, la température est également surveillée avec attention : une lampe et une plaque accueillent les porcelets à la naissance. La plupart des maternités étant en ventilation naturelle, la gestion du double climat truie / porcelet est délicate d’autant plus que les variations de températures sont fréquentes. Les employés sont donc également très présents afin d’assurer les meilleurs soins pour les porcelets avec en moyenne 1 personne pour 5 à 7 truies à la mise-bas. En France comme en Espagne, la plupart du temps les mises-bas se déroulent dans une plus grande autonomie mais sous surveillance rapprochée pour intervenir rapidement si besoin. Les employés ont également la charge de beaucoup plus de truies : 50 à 70 truies à la mise-bas par employé Les nids sont souvent directement conçus avec la case incluant une plaque chauffante ou des lampes. Lorsque les éleveurs interviennent, c’est souvent pour aider les porcelets à trouver la mamelle dans un premier temps. Le réchauffement dans le nid semble secondaire en Europe où la prise colostrale est privilégiée alors qu’en Asie, le réchauffement des porcelets est prioritaire à la prise du colostrum.

Les divers soins réalisés aux porcelets

L’administration du fer 2 à 3 jours après la naissance, souvent par voie injectable est partagée par les 5 pays étudiés ici. L’administration d’un anticoccidien est également relativement commune même si la proportion d’élevage concernés peut varier : au Vietnam et en Chine, presque tous les élevages sont concernés alors qu’en Espagne, France et Colombie, le recours à l’anti-coccidien est raisonné selon la pression du parasite au sein de l’élevage afin de déterminer de l’intérêt ou non de son utilisation. En France et Espagne, le recours aux antibiotiques de façon précoce ne concerne qu’une faible proportion des élevages. En Colombie, ni caudectomie ou meulage des coins. En Europe, les éleveurs sont encouragés à arrêter ces pratiques mais elles restent nécessaires dans environ 30% des cas en l’absence d’alternatives pour assurer le bien-être des animaux. La coupe des queues est systématique en Asie, la plupart du temps en même temps qu’une cautérisation pour les élevages chinois ou les fermes organisées (plus de 200 truies) au Vietnam. Les plus petits élevages vietnamiens utilisent une pince. La pince est également souvent utilisée pour couper les coins même le recours à la meuleuse se développe et devient de plus en plus fréquent.

La castration est pratiquée de façon très hétérogène en fonction des pays : En Espagne près de 80% des porcs sont élevés entiers. L’abattage est fait à 110 kg de poids vif pour réduire le risque d’odeur dans les carcasses. En Colombie la castration via des injections hormonales en cours d’engraissement représente plus de 85% des porcs. En France, les pratiques sont très diverses en fonction des objectifs et débouchés de l’éleveurs : certains élevages élèvent des mâles entiers avec une détection des mâles odorants à l’abattoir, d’autres castrent sous anesthésient et d’autres enfin ont recours à la castration chimique. Au Vietnam et en Chine, les mâles sont, pour la grande majorité, castrés dans la première semaine de vie.

2. La gestion des grandes portées : homogénéisation des portées et adoptions

La gestion des grandes portées est un défi relativement commun dans à tous les pays. Plusieurs pratiques, comme les adoptions, l’homogénéisation des portées, la socialisation précoce ou encore l’allaitement artificiel permettent de bénéficier pleinement de l’hyperprolificité.

Homogénéisation des portées :

Les 5 pays investigués pour cette newsletter pratique l’homogénéisation des portées afin de permettre à chaque porcelet de se retrouver dans une portée d’une taille moyenne pour l’élevage. Bien qu’il existe de fortes variations intra-pays liées à la génétique ou aux conditions sanitaires par exemple, globalement, en Colombie, Chine et Vietnam, la portée moyenne est autour de 14 porcelets vivants et près de 15 porcelets vivants par portée pour la France et l’Espagne. Toutefois, certains pays comme l’Espagne, le Vietnam, vont préférer des adoption précoces (vers 24h d’âge) alors qu’en Colombie, Chine ou France, les adoptions pourront être réalisées jusqu’à 3 jours d’âge. Dans tous ces pays, les critères de choix des porcelets et truies sont la taille de la portée, le nombre de tétines fonctionnelles de la truie et sa parité ainsi que l’âge des porcelets. Le poids des porcelets est souvent le dernier critère de choix pour l’homogénéisation des portées.

Les truies nourrices

La pratique la plus commune est souvent l’adaption en 2 étapes : une première truie est sevrée une semaine plus tôt pour pouvoir élever une portée de porcelets plus jeunes qui vont être séparer de leur mère et celle-ci va elle-même élever des porcelets plus jeunes issus de différentes truies ou cochettes qui commencent à ‘décrocher’ en termes de poids par rapport aux autres porcelets de la portée. En se retrouvant ainsi tous dans une nouvelle portée, ces porcelets qui avaient probablement une tétine moins productive vont pouvoir accéder plus aisément au lait. D’ailleurs, dans tous les pays, la production laitière est souvent un des critère de choix de la truie nourrice avec son rang de portée. En Espagne et au Vietnam, ce sont souvent des truies en rang 3 à 5 qui sont choisies en raison de la production laitière. En France, en Chine et Colombie, le rang de portée est plutôt secondaire à la production laitière qui est évaluée sur la qualité de la portée qui va être déplacée : homogénéité des porcelets et poids moyen. La plupart du temps, un produit asséchant ou un masquant d’odeur est appliqué sur la portée pour faciliter son adoption par la truie et réduire les bagarres entre porcelets. Au Vietnam, un tranquilisant est aussi souvent donné à la truie afin de faciliter l’adoption et favoriser la tétée rapidement pour éviter les risques d’inflammation ou d’agalaxie. Le recours aux truies nourrices est limité au maximum afin de réduire les risques sanitaires. En Espagne et au Vietnam, les truies nourrices représentent généralement 7 à 10% des truies de la bande. En Colombie et Chine, le recours aux truies nourrices est plus rare.

Les têtées alternées

La tétée alternée est une méthode souvent employée pour assurer que tous les porcelets, y compris les plus faibles, puissent accéder au colostrum dans un délai raisonnable. En Colombie, cette pratique est relativement courante dans les premières heures suivant la naissance. Le rythme d’alternance est souvent de 3 à 4 têtées par heure. En revanche, cette pratique est moins fréquente dans des pays comme la Chine, où l’accent est davantage mis sur l’homogénéisation des portées quelques heures après la mise-bas plutôt que sur une gestion alternée des tétées​.

En France, la tétée alternée peut être mise en œuvre dans les grandes portées lorsque les porcelets sont particulièrement hétérogènes en poids. Les plus gros nés dans les premiers sont alors isolés du reste de la portée pendant une courte période afin de faciliter l’accès à la mamelle pour les porcelets les plus petits.

L’apport complémentaire de lait

Dans plusieurs pays, des compléments laitiers sont distribués aux porcelets afin de couvrir les besoins importants des grandes portées. Au Vietnam et Colombie, l’utilisation de lactoproduits est relativement fréquente dans les élevages de taille moyenne à grande, où les porcelets peuvent recevoir des substituts lactés liquides distribués à toutes les portées dans les augettes des porcelets. Cette distribution est en général démarrée vers l’âge de 7 jours. En France également, les porcelets commencent à recevoir vers 7 jours d’âge un aliment lacté. Cependant, il est très courant que ce soit le préstarter qui soit démarré à petite dose en mélange avec de l’eau pour habituer les porcelets. Les distributions de lait ou yaourt à proprement parler ne représentant qu’une moitié environ des pratiques.  En Espagne, le recours aux lactoremplaceurs reste une pratique plutôt minoritaire. Les conditions climatiques relativement chaudes et sèches favorisant l’oxydation rapide des produits et le développement de pathogènes. Le plus souvent, les porcelets reçoivent l’aliment premier âge une semaine avant le sevrage. Quant à la Chine, cet apprentissage va démarrer généralement juste 1 ou 2 jours avant le sevrage.

Conclusion

La gestion des porcelets nouveau-nés repose sur un équilibre délicat entre soins attentifs, organisation rigoureuse des portées et maîtrise de la pression sanitaires. Partout dans le monde les éleveurs adoptent des stratégies adaptées à leurs conditions locales, mais les grandes tendances telles que l’homogénéisation des portées, l’utilisation de truies nourrices et l’attention portée à la biosécurité sont partagées par de nombreux systèmes d’élevage.